Coin-based works

Coin Works

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First coin images
Metal Mirror
Angels Don't
Coventina's Well
Ghost Faces
Embracing emptiness
Psyche
Euro Meltdown
Euro Masks
Monumental Miniatures
Medium of X changes
Exoplanets
Coin Dust

                                                                                Creatures of the Black Sea

Here are all 14 ‘chapters’ of my coin-based works from 1983 to the present. This vision obviously comes from another place, somewhere from the corners of my imagination where magic is real, and so are these coins! Today’s  science is often yesterday’s science-fiction and often the edges get blurred. I love the story of the NASA’s Mars probe Curiosity.  Mars’ sand storms can be almost Dune- like in intensity. A Licoln penny, the rare 1909s Vdb first issue was attached to the probe as a scale register for the camera.
Future aliens investigating the long-gone human race might be confused, believing that humans had the technical sophistication to land on Mars in 1909. Fiction and Reality – imagination and perception – can be strange bedfellows.

Réflexions sur un miroir métallique

Quels secrets restent cachés dans les re-coins de l’esprit ?

Les gens me demandent souvent comment j’en suis venu à photographier des pièces de monnaies usées,
érodées et sans valeur ? J’ai commencé à collectionner des pièces de monnaie à l’âge de huit ans, à les placer dans des albums selon leurs dates, très préoccupé par la valeur de mes trouvailles. Mes études à l’Université Rutgers, dans le New Jersey, ont changé mes perspectives. Inscrit en option Économie mais progressivement aliéné par la société capitaliste, je me suis tourné vers les cours d’histoire et de philosophie. 

Une bourse m’a permis d’aller étudier l’histoire de « l’intégration économique européenne » à Bruxelles en 1977.  Les rencontres survenues dès les premiers jours de mon arrivée ont déterminé mon destin. Je me suis rapidement senti happé dans le monde artistique bruxellois. Mais j’ai terminé mes études universitaires et me suis vu attribuer une nouvelle bourse pour étudier la photographie.

Cependant, les vieilles amours ne meurent pas si vite. Lors d’un séjour à Londres,  je suis entré dans un magasin de numismatique et j’y ai trouvé un grand penny anglais du 18e siècle totalement lisse à force d’usure : ce fut une révélation. Quelle beauté ineffable.  Le fait de le caresser entre mes doigts m’a donné un sentiment surprenant de communion avec les millions de gens qui l’avaient touché avant moi. En repensant à cet événement, des années plus tard, j’ai pris conscience que l’évolution de ma nouvelle vie me portait vers ces pièces de monnaie, non plus considérées pour leur valeur de collection mais pour leur valeur esthétique, voire spirituelle ! Je me suis alors acharné sur la recherche de visions d’un autre monde et la photographie m’a offert un médium pour restituer les images que j’avais vues en rêve.

Un des moments décisifs est survenu en 1983. J’avais terminé mes études photographiques, mais étrangement, lors d’un rêve où je devais repasser mon jury central, je me retrouvais soudain avec en face de moi – deux piles d’images ; à droite, des images présélectionnées et à gauche, d’autres images. A ma grande surprise il y avait des images de pièces de monnaies qui semblaient sortir de la nuit des temps, des images rupestres conjurées par la magie chamanique. Et je me suis alors posé cette question : « Est-ce moi qui ai produit ces images ? » Dès le lendemain, je me suis mis à photographier mes vieilles pièces de monnaie usées et à les combiner avec des photos de portraits, trouvées sur des pierres tombales altérées par le temps. Macro-photographies de portraits sur un petit objet métamorphosé par le temps et usage.

J’ai appelé mon travail « La Mémoire chromosomique » : il se caractérise par une recherche continue de traces au travers d’objets perdus, abîmés ou transformés par le temps. Ceci afin de révéler symboliquement des vérités cachées – véritables et imaginaires ou intérieures et extérieures – selon les axes conceptuels du temps, des empreintes et donc de la dualité mémoire/oubli.

Je suis émerveillé par les possibilités de combiner mythes et superstitions – science et science-fiction avec des images qui émergent du monde onirique pour créer des visions fantastiques.

En 1985, j’ai obtenu le Prix Emile Langui – Prix de la Jeune Peinture Belge au Palais des Beaux-Arts de Bruxelles. En une soirée, curateurs, collectionneurs, critiques et même mon père, m’ont dit : « Cette relation entre l’argent et l’art est incroyable et vous pouvez la développer toute votre vie ! »  Soudain, je fus terrifié à l’idée et décidai de laisser librement les images  progresser dans un mouvement dialectique. Cela me conduisit dans une quête ininterrompue de 30 ans : chercher et photographier des objets sous forme de séries, comme les chapitres d’un grand livre. Ensuite, je me suis mis à créer des images à partir des épitaphes usées et illisibles des pierres tombales, dans l’idée qu’avec le temps et à travers un processus inexplicable – presque mystique -, la destruction / évolution de celles-ci révéleraient la vraie nature de la personne défunte. Tandis que les humains cherchent leur spiritualité, les esprits cherchent leur matérialité. J’étais à l’affût des rares moments où les deux se rencontrent.

D’autres séries ont suivi : Gestalt, photographies de fientes d’oiseaux dans la boue ; Shadows, ombres déformées, Gargouilles vues à travers le microscope pour les surprendre vivantes dans leur monde ; Landscapes, des images de cartes stéréoscopiques vues non pas à travers des lentilles mais comme des lieux panoramiques visités en songe ; Illuminations, installation d’images d’allumettes géantes consumées, semblables à des totems d’une civilisation perdue ; Time Machines, images d’anciens mécanismes d’horlogerie vus comme des engins à remonter le temps. J’ai consacré plusieurs séries à l’histoire naturelle et aux curiosités  : NoffuB, empreintes fantômes d’animaux, d’humains et d’oiseaux  sur l’envers des gravures de l’Histoire naturelle de Buffon, là où la graisse de l’encre avait transpercé : Flora Magica, empreintes de fleurs sorties de mon herbarium alchimique puis trempées dans divers liquides avant d’être mises sous presse, pour révéler leur âme; Mindescapes et Narural Paintings, images de lames minces et de plaques histologiques perçues comme des visions fantasmagoriques de la folie ;ou encore Reborn, images en 3D de feuilles mortes vues comme des créatures, victimes des abus de l’homme sur l’environnement.

Mais je ne soupçonnais pas que je reviendrais encore et toujours aux pièces de monnaie. Au fil des années, j’avais rassemblé une énorme collection de pièces d’antiquité, sans valeur – oxydées et usées – mais l’extraordinaire beauté onirique des patines m’a amené à les photographier en couleur. J’ai développé une technique d’éclairage scientifique utilisée pour photographier les amibes dans l’eau – supprimant les reflets en surface pour révéler leurs « vraies couleurs ». Comme les différentes longueurs d’ondes de la photographie du cosmos révèlent d’autres aspects des phénomènes extraterrestres. 

La rencontre avec un conservateur du British Museum a fait naitre l’idée d’une exposition. Je suis resté six semaines, dans cet incroyable endroit, cherchant mes images dans les rebuts de leurs collections. Le musée est devenu mon site archéologique personnel ! Le curateur Brendon Moore écrit d’ailleurs dans le catalogue du British Museum : « Alors que les archéologues et les historiens doivent donner une interprétation académique des artefacts et des événements, Stephen Sack passe au crible les détritus de l’histoire en trouvant de riches possibilités esthétiques et une signification symbolique. » 

Savoir si l’objet représenté doit être identifié ou si l’image doit rester un mystère fut un sacré sujet de réflexion pour moi. Je pense à la dispute épique entre André Breton et Roger Caillois à propos du haricot sauteur mexicain. Pour Breton, les qualités sauteuses de ce haricot devaient rester magiques tandis que Caillois voulait le disséquer pour découvrir le secret de son mystère (lié à la présence d’un petit ver qui bouge à l’intérieur). Pour ma part, j’estime que l’élément béni de la magie naturelle entrelacé à la connaissance, augmente la puissance de l’émerveillement et de l’imagination. Finalement, j’ai conjugué les deux idées. Pour préserver la liberté d’interprétation du spectateur, les pièces ne sont pas identifiées à côté des images, mais plutôt à découvrir en annexe. 

Maintenant affranchis d’une partie du mystère, nous sommes libres d’apprécier la myriade de chevauchements – historiques, mythologiques, philosophiques, cosmiques, poétiques,  …Car il existe une connexion intime entre ce qui est vu / entre-aperçu et le fonctionnement intérieur de l’esprit. La vision interne est donc aussi réelle que le monde extérieur. Le portrait de Dorian Gray est plus réel que son visage visible. Le monde est-il un hologramme comme le supposent certains scientifiques ? C’est un des aspects ludiques de la science-fiction – car si nous suspendons toute croyance en nous demandant  « ET SI… » Quelles images et idées pouvons-nous susciter?

Croire c’est voir… Personne ne verrait le visage de Jésus sur un toast brûlé si on ne croyait pas aux miracles chrétiens. Pour ma part, je me sens proche des animistes, là où tout est vivant et a une âme. Le monde réel et les univers infiniment grands ou petits, sont fantastiques, par-delà toute conviction. Les croyances anciennes et les superstitions forment une partie de notre psyché ; l’intuition, elle, nous dirige vers les lieux où nous cherchons les vérités. 

Les photos de pièces  ne concerne ni les pièces de monnaie ni la photographie, mais bien les deux, comme les deux faces d’une médaille. Les monnaies sont des entités vivantes, des graines qui poussent de manière inattendue, et se réveillent après un sommeil de 2000 ans d’enfouissement. Ce sont des extraterrestres, des espionnes, des miroirs déformés diffusant les secrets d’un alchimiste, les fresques et les peintures anciennes d’un monde parallèle. Il y a la folie, l’arbitraire poétique, la beauté dans la mort et la renaissance.

Il y a beaucoup de manières de collectionner. Pour ma part, c’est la grande tradition du cabinet de curiosités, qui me charme.  Ce précurseur des musées concentre des objets énigmatiques et mystérieux, des souvenirs de voyages, aussi bien dans l’espace que dans le temps. Les objets y offrent des avant-goûts des mondes et des réalités inconnues ou perdues. L’imagination et l’émerveillement, se mêlent à l’esprit de découverte, et aux questions à la fois scientifiques, philosophiques, religieuses et poétiques. Les disciplines se mélangent : l’histoire naturelle, la géographie, l’archéologie, la géologie avec ses pierres de rêve et ses fossiles d’animaux disparus. Le microscope, le téléscope, la lanterne magique et l’appareil photographique ouvrent sur l’invisible.

J’ai lu dans un livre sur la microscopie, que si en regardant dans un microscope, on voit le diable, c’est uniquement dans l’imagination. Mais est-ce sûr?  On se demande toujours pourquoi Dieu a créé les bactéries, les microbes ou les virus ? Les découvertes ont brouillé la frontière entre réalité et fiction, elles ont amplifié les tensions entre les deux. Les idées sont comme les éléments d’un puzzle à articuler à la recherche des vérités cachées.

C’est dans ce domaine que je travaille. Les images composent un paysage psychique où la forme, à mi-chemin entre figuration et abstraction, laisse ouverte une interprétation qui en dévoile autant sur le spectateur que sur le créateur. 

Comme dans une méditation taoïste, où le soi disparaît, dans le présent devenu le tout ; lorsque je suis pleinement dans le moment présent de la création je cesse d’exister. Tel un musicien qui improvise, je vole, j’atteins des hauteurs vertigineuses, mais si je doute une seconde, je retombe et suis obligé de retrouver la tonalité de départ. 

Reste la question de savoir comment il est possible de jouer sans penser ?  On en revient à la fin de mon premier rêve : « Est-ce moi qui ai fait cela ? Oui ! » Mais seulement en lien avec une autre force inconnue. C’est précisément « ça »  que j’aime dans la photographie. Quand je photographie dans mon voyage inconscient, submergé par l’absence d’ego, lorsque je reviens à moi et me demande « what have I done ? »… L’image enregistrée me donne la réponse. Nos rêves, croyances et superstitions sont plutôt des vestiges du Paganisme que du Christianisme. Les rêves d’antiquités sont en nous. 

Je collectionne aussi des histoires et des anecdotes glanées dans la vie où je crois trouver des petits bouts de vérité. Adolescent, j’écoutais tous les soirs, Gene Shepard à la radio : « Les gens me demandent comment je raconte mes histoires, disait-il. » « Le secret c’est ‘to be there’ et regarder autour de soi. Imaginez qu’on monte un escalier en colimaçon dans l’obscurité totale ; il faut être là et le voir pour raconter l’expérience. » J’aime cette histoire. Voir dans l’obscurité complète, c’est génial ! J’ai l’impression de créer à partir de cette vision obscure de l’imagination.

Et loin, très loin sur Mars, il y a le robot Curiosity et une pièce de monnaie fixée en dessous de sa caméra pour vérifier la résolution des images filmées : cette pièce, c’est le premier penny Lincoln, daté de 1909 et tant aimé des Américains. La science et l’imaginaire créent d’étranges compagnons. Des extra-terrestres trouveront peut-être un jour ce penny et se demanderont si les humains sont venus sur Mars en 1909…

Pendant les préparations d’une exposition, l’idée m’est venue de rassembler dans la salle du fond, des monnaies qui représentent chacune un animal, symbole aujourd’hui du risque de leur extinction. Ainsi vient de naître un nouveau projet d’installation, Sanctuaire, qui sera combiné à mes travaux sur l’histoire naturelle.

Nous vivons sans doute la fin de la monnaie matérielle – remplacée par des crédits virtuels mieux adaptés pour contrôler la finance et les humains ! Mais la monnaie demeure encore et restera toujours liée au domaine de la mémoire, de l’archéologie, de l’imagination et de l’émerveillement dans l’histoire de l’humanité. 

Ce travail est une ode à la joie, semblable à la découverte des fresques dans un Pompéi intérieur. 

Stephen Sack

Bruxelles 2021